Floraison [PV Twist]

Le travail d'alchimiste venait de commencer. Defraysis avait changé de voie, volontairement, pour rejoindre le domaine plus concret de la science. Finit les corvées de chasse et de ravitaillement des guerriers ! Elle était désormais dans une grade qui lui assurait une certaine immunité envers ses semblables : le respect par son savoir plus que par ses muscles et la capacité de calmer les réticents avec des breuvages assez dangereux. Mais selon le nouveau code de son rang, elle n'avait pas le droit de blesser ou empoisonner ses camarades. Dommage, voilà un jeu qui aurait semblé être intéressant.
Mais la dragonne s'en fichait, elle avait un pouvoir supérieur, si bien qu'elle s'en vantait sans arrêt auprès des autres -surtout Aranwë, son plus grand plaisir. Toute modestie avait quitté son être pour la transformer en une boule d'orgueil et d'autorité.

Cependant, la tâche était plus difficile qu'elle ne le pensait : chercher des plantes, les modifier, les chauffer, les extraire, les refroidir, parfois les rechauffer, les purifier, les re-mélanger, les re-purifier... Un vrai travail crevant qui demandait parfois un mois de préparation ! Bref, rien à voir avec le quotidien "au jour le jour" des chasseurs ou des guerriers.
A peine levée, Defraysis fut appelée par son professeur. Visiblement, la réserve de sucre avait baissé, et les glucides étaient important pour créer des remèdes digestifs -certes, rien à voir avec les explosifs et les fumigènes de d'habitude, mais les alchimistes devaient aussi être aux petits soins avec leurs camarades.
Malheureusement, les espèces de grenades qu'elle devait récupérer poussaient au fin fond de son territoire, donc vraiment très loin... Soufflant à l'idée de devoir voler sur plusieurs kilomètres pour chercher quelques fruits à peine meilleurs qu'une soupe d'orties, elle prit son envol non pas en direction des terres mais de la forêt des Sethembas, au Nord.
Leur forêt, luxuriante et humide, offraient de nombreuses plantes à leurs hôtes. Defraysis n'allait que leur piquer quelques cosses près de la rivière et repartir comme si de rien n'était, son méfait accompli.

Cependant, ce territoire lui était inconnu. A peine posée sur une branche, les odeurs étrangères s'engouffrèrent dans ses naseaux comme des abeilles dans une ruche. Elle se dirigea vers la rivière par l'ouïe, repérant sans mal les clapotis du ruisseau.
En effet, le lieu était riche en végétation, mais pas la moindre trace des précieux fruits. Defraysis posa les pattes sur le sol humide et se dressa sur ses pattes arrières pour regarder l'environnement. Des fleurs. Des racines. Des fougères. Des rafflésias. Peut-être que la saison des fruits étaient terminée ici ? résignée de rentrer bredouille, la petite dragonne avança vers l'amont de la rivière, peu méfiante de son entourage.

Une nouvelle voix fit sursauter Defraysis. La dragonne se retourna, la fourrure hérissée sur la nuque et fixa le nouveau venu. Un dragon aux écailles vertes, qui faisait deux têtes de plus qu'elle. Il avait sur lui l'odeur si particulière des Sethembas, l'odeur de la forêt et de l'humus.
Essayant de ne pas se laisser aller par ses émotions, Defraysis bomba maladroitement son poitrail cuirassé. Elle était en tort, c'était indéniable, mais jamais elle ne l'avouerait à un adversaire de n'importe quel royaume.

« Je suis l'apprentie-Alchimiste d'Azerio (J'ai inventé, scuze x) ), chez les Udaras. » répondit Defraysis en montrant les crocs. « Et l'intruse n'a pas à se justifier face à un Sethemba. Je vais où bon me semble, que ça te plaise ou non. »

Ces derniers mots, elle les avait craché au visage du second dragon. Tant d'imprudence et d'assurance, c'était décidément la marque de fabrique des alchimistes. Et le pire, c'est que Defraysis défiait complétement l'autochtone. Ses ailes avaient commencé à s'ouvrir pour faire apparaître les motifs des membranes, sa queue s'agitait et levait des nuages de poussière au sol. Si l'autre décidait de l'attaquer, elle fuirait, de toute évidence, mais la vraie question était : qui serait le plus rapide ?

L'intelligence de se taire. Defraysis releva les babines pour dévoiler une nouvelle fois ses canines. Comment ce misérable garde osait-il remettre en doute son intelligence ? Elle était désormais une savante parmi les membres de son Clan, une alchimiste (pas tout à fait) accomplie ! Si le mâle vert s'attendait à ce qu'elle lui fasse des excuses pour une faute qu'elle n'avait pas commise, il se trompait. Les alchimistes étaient en droit de faire ce que bon leur semble, car ils étaient bien au dessus de ces gardes bas d'esprit.

« Tu rêves ! » ricana-t-elle. « Un alchimiste ne s'excuse et ne se justifie jamais ! »

L'orgueil de Defraysis n'avait désormais plus de limites. Bien sûr, elle avait conscience qu'elle déformait les propos, les alchimistes n'étaient en rien supérieurs ou tout-puissants, mais ce nouveau rang la rendait quasi insensible émotionnellement. Elle se sentait comme une reine venant d'être couronnée.

« Tu t'attends à quoi ? A ce que j'envahisse tes terres ? » Defraysis avait craché ce mot, hautaine. « Je suis venue récolter des grenades mûres. Je prendrais la quantité que je veux et je repartirais... peut-être. »

Elle releva le menton, fière... mais sa queue tremblait. Elle n'était pas du tout de taille si l'autre l'attaquait et elle n'avait pas de potions pour se défendre, ni même de fumigènes ou de poisons. Si le vert voulait lui trancher la gorge cela ne lui prendrait que quelques secondes, grand maximum. S'en rendant compte, Defraysis pensa qu'elle était allée très loin, mais n'osait pas l'assumer.